Plus de justice, plus de dignité et d'humanité. Améliorer le monde et notre condition dans le monde : nous n'y parviendrons pas sans avoir renoncé à certains avantages. Nous devrons par exemple en finir avec l'aide sociale. Nous devrons nous détourner des services sociaux, nous devrons nous défaire de leur assistance et cela au plus vite.
Peut-être que beaucoup d'entre nous pensent que c'est une décision impossible, presque suicidaire, mais il faudra renoncer à ces aides et je vais vous expliquer pourquoi !
Si les aides nous paraissent indispensables, c'est parce qu'elles appartiennent au genre des problèmes travestis en solution, des maladies déguisées en remèdes, des mises en panne présentées comme des réparations.
Vous le savez tous, ceux qui les touchent se retrouvent accrochés aux aides sociales comme un toxico est accroché à son crack. Alors, nous devons nous poser cette simple question : depuis quand la drogue est-elle la solution de la dépendance ?
Les aides sociales nous sont proposées comme solution, mais elles sont la solution d'un seul problème : celui que nous pourrions poser NOUS. Elles ne sont pas une solution POUR nous, pour régler les problèmes que NOUS avons. Elles sont une solution CONTRE nous, pour éviter les problèmes que NOUS pourrions faire, pour se débarrasser du problème que nous sommes.
Nous ne le voyons pas, mais les aides sociales profitent à ceux qui les donnent, pas à ceux qui les reçoivent. Et si nous ne le voyons pas, ce n'est pas que nous sommes aveugles, non, c'est que le tout premier programme des aides sociales est justement celui-là : faire en sorte que l'on ne voie pas que l'assistance est ce qui nous empêche, ce qui nous contraint, ce qui nous freine et nous surveille.
Le second programme de l'aide sociale est l'humiliation.
On sait cela depuis la nuit des temps : lorsqu'un cadeau reçu ne peut être rendu, celle ou celui qui le reçoit devient à jamais l'obligé de celle ou de celui qui l'offre. Toutes les civilisations sont fondées sur un système d'échanges : quelque chose contre quelque chose. Quand vous recevez sans pouvoir retourner, parce que vous n'en avez pas les moyens, ce qui vous est pris alors en échange, c'est votre bien le plus précieux : votre liberté, votre dignité.
Nous n'avons pas besoin d'être assistés. Ce n'est pas ce que nous voulons. C'est cette société qui a besoin de nous distribuer ses aides ; pour nous abaisser et nous tenir en laisse. Elle veut nous les donner, elle a organisé de nous les donner, elle a systématisé de nous les donner, mais elle veut tout même que ce soit nous qui les demandions.
Pourquoi ?
Parce que tant que nous sommes occupés à demander ce qui nous fait du mal, ce qui nous rend dépendants, ce qui nous infériorise, nous ne sommes pas en mesure d'exiger ce qui nous ferait du bien : l'installation d'un principe de partage et d'échange fondé sur le respect mutuel. Nous ne sommes même plus en mesure de le comprendre. Nous sommes trop occupés à passer d'un bureau, d'une caisse, d'une agence, d'un programme d'aide à un autre, trop occupés à supplier, trop occupés à nous sentir honteux et coupables d'accepter de demander ce qu'aucun de nous ne pourra jamais rendre.
Car il n'est pas suffisant que nous demandions : nous devons supplier et pas seulement supplier : nous devons supplier un par un, individuellement, chacun pour soi. Surtout rien de collectif, pas de cause commune, pas d'effet de peuple, pas d'esprit de communauté, surtout pas ; juste un immense troupeau de cas sociaux.
Chacun de nous est invité à toujours exposer son cas personnel, à se décrire comme un individu à part, comme un problème à part, un cas social unique. Pourquoi cela ? Pour que nous soyons tous bien certains que si l'on tient tant à nous aider, ce n'est pas du tout en réparation d'un tort qui nous serait fait collectivement, ni par peur de la communauté en colère que nous pourrions représenter, mais seulement parce que chacun d'entre nous serait un individu particulièrement incapable, une personne à part et particulièrement médiocre, dont l'inutilité ou l'incapacité ne serai
t à expliquer que par un défaut de la valeur individuelle.
L'aide sociale n'est pas le projet généreux d'une société progressiste. L'aide sociale est la solution la meilleure qu'ait jamais trouvé une société capitaliste répressive pour prolonger ses excès, pour creuser sans cesse ses gouffres d'inégalité, tout en empêchant qu'une force d'opposition ne se dresse contre elle et contre les injustices massives qu'elle organise. L'aide sociale nous enferme un par un, dans la prison des egos humiliés et honteux.
Libérons-nous, mes frères et mes sœurs.
Ne demandons plus l'aide sociale. Et vous verrez que ce sont eux qui nous supplieront de l'accepter encore.
Nous la refuserons.
Merci