Ce soir, nous devons parler de plusieurs choses. Nous sommes ici pour célébrer l’anniversaire de Huey P. Newton. Nous ne sommes pas ici pour l’honorer en tant qu’individu, mais en tant que membre de la communauté noire, quel que soit l’endroit où vivent ses membres aujourd’hui.
[applaudissements]
aujourd’hui... aujourd’hui.
Si l’on parle de notre frère Huey Newton, il faut parler du combat du peuple noir, non seulement aux Etats-Unis, mais partout dans le monde. Newton est devenu un symbole de cette lutte que notre peuple livre pour pouvoir survivre à l’Amérique.
[applaudissements]
Nous parlons de la survie d’une race. C’est l’enjeu de ce combat. Nous parlons de la survie du peuple noir et rien d’autre.
[applaudissements]
Rien d’autre…
Comprenez bien ceci. Pourquoi est-il nécessaire de parler de la survie de notre peuple ? De nombreux membres de notre génération ont l’impression que les Blancs fomentent un génocide du peuple noir. Pour beaucoup, c’est une accusation terrible. Dans ce cas, rappelons-nous les paroles de Malcolm X et examinons l’Histoire. La nation américaine est née du génocide du peuple indien.
[applaudissements]
Le génocide des peaux rouges… des peaux rouges
Pour asseoir sa souveraineté, le blanco a décidé d’exterminer l’homme rouge. Et il l’a fait ! Il l’a fait !
[applaudissements]
Et il l’a fait ! Il l’a fait !
Il n’en éprouve aucun remords, mais romance cette époque en faisant des films avec des cow-boys et des Indiens...
[applaudissements]
des cow-boys et des Indiens.
[coup]
Si l’homme blanc a été capable d’exterminer l’homme rouge, nous réserve-t-il le même sort ?
[réactions du public]
Replongeons-nous dans l’Histoire. L’opinion trouve terrible que nous accusions l’homme blanc de préparer l’extermination du peuple noir. Remontons le cours de l’Histoire. C’est nous qui avons construit ce pays, et personne d’autre. Je vais vous expliquer pourquoi. Au départ, l’économie des Etats-Unis reposait sur l’agriculture. La matière première reine était le coton. Nous avons ramassé le coton !
[applaudissements]
C’est nous qui l’avons ramassé ! Nous !
C’est donc nous qui avons construit, qui nous sommes battus pour ce pays. Mais à cause de l’essor de la technologie, l’homme blanc a de moins en moins besoin de nous. Quand il n’aura plus du tout besoin de nous, nous disparaîtrons, et c’est sciemment qu’il nous exterminera. Sciemment, il nous exterminera. Prenons la Seconde Guerre mondiale. Jamais l’homme blanc ne s’en prend aux siens. Regardez sur qui il a lâché une bombe atomique : de pauvres Jaunes vivant à Hiroshima.
[applaudissements]
De pauvres Jaunes vivant à Hiroshima…
à Hiroshima.
Si vous ne le croyez pas capable de nous exterminer, voyez ce qu’il fait à nos frères du Vietnam ! Regardez ce qu’il fait au Vietnam.
[applaudissements]
C’est de notre survie qu’il s’agit, et rien d’autre. Notre splendide race va-t-elle disparaître de la surface de la terre ? C’est de cela que l’on parle, et rien d’autre.
[applaudissements]
Rien d’autre.
Si vous ne le croyez pas capable de nous exterminer, n’oubliez pas ce qu’il a fait : partout où il est allé, il a régné, conquis, tué et disséminé. Qu’il soit en majorité ou en minorité, l’homme blanc règne toujours !
[applaudissements]
Il règne toujours ! Toujours !
Son mode opératoire est toujours le même. Quand il est arrivé dans ce pays, il ne savait rien faire. L’Indien lui a montré comment s’adapter à la nature : il lui a appris à faire pousser du maïs, il lui a appris à chasser, et quand il a eu fini de tout lui montrer, l’homme blanc l’a exterminé. Il l’a exterminé.
[applaudissements]
Il l’a exterminé.
L’homme blanc n’était pas satisfait, il est allé en Amérique du Sud. Les Indiens aztèques lui ont dit : « Voici notre argent, notre cuivre, nos métaux et nos statues «que nous avons érigées pour célébrer la beauté de notre peuple. » Les Indiens ont montré leurs richesses à l’homme blanc, il a tout pris et il les a exterminés.
[réactions du public]
Il les a exterminés.
Ensuite, il est allé en Afrique. Nos ancêtres lui ont dit : « Voici notre mode de vie, on fait du tam-tam, «on profite de la vie. « On a de l’or, des diamants et de quoi parer nos femmes. » L’homme blanc a pris notre or, il a fait de nous des esclaves, et aujourd’hui, c’est lui qui dirige l’Afrique ! L’Afrique!
[applaudissements]
Après, il est allé en Asie.
Les Chinois lui ont montré tout ce qu’ils avaient. Ils lui ont montré la poudre à canon. Ils lui ont dit : « Voici ce que nous utilisons «pour faire des feux d’artifices lors des jours de fête. » L’homme blanc a pris la poudre, inventé l’arme à feu, et conquis la Chine.
Il s’agit là d’un certain type de complexe de supériorité inhérent à l’homme blanc, d’où qu’il vienne.
[réactions du public]
Nous devons en pendre conscience. Pour mettre un terme à tout ça, il nous faut parler de survie. Ils nous parlent de lutte contre la pauvreté, d’éducation, de logement, d’aides sociales… Nous, nous parlons de survie ! Sachez-le, mes frères et mes sœurs, nous survivrons à l’Amérique !
[applaudissements]
Nous survivrons à l’Amérique ! Nous survivrons à l’Amérique !
Pour cela, nous devons comprendre ce qui se passe. Pas seulement dans ce pays, mais dans le monde entier, et surtout en Afrique. Car nous sommes un peuple africain, et rien d’autre. Nous avons toujours été un peuple africain. Nous avons toujours maintenu notre propre système de valeurs, et je vais vous le prouver. Autant qu’il a pu, notre peuple a résisté à 413 années de barbarie. Il a résisté pour que notre génération puisse reprendre le dessus. Ne décevons pas nos ancêtres.
[applaudissements]
Ne décevons pas nos ancêtres... Ne décevons pas nos ancêtres.
Nous avons résisté dans tous les domaines. La langue anglaise, par exemple. Les immigrés italiens, allemands, polonais ou français, au bout de deux générations, parlent anglais parfaitement.
[applaudissements]
Nous n’avons jamais parlé anglais correctement !
Jamais ! Jamais ! Jamais !
Notre peuple a résisté consciemment à une langue qui ne lui appartient pas, et qui ne lui appartiendra jamais. Pourtant, l’homme blanc veut nous formater. Mais ils ne nous auront pas ! Ils ne nous auront pas !
[réactions du public]
Ce refus de parler correctement est un acte de résistance. Tout le monde peut parler la langue des Blancs correctement. Tout le monde.
[réactions du public]
Mais nous ne l’avons pas fait en signe de résistance... résistance.
Regardez notre mode de vie. Quels que soient les efforts des Blancs pour nous en empêcher, nous avons préservé notre mode de vie communautaire.
[coups sur le pied de micro]
Nous n’envoyons pas nos aînés dans des mouroirs. C’est une honte !
[applaudissements]
Une honte ! Une honte ! Une honte !
Il n’y a pas d’enfants illégitimes dans notre communauté. Nous prenons soin de tous les enfants sans discrimination.
[applaudissements et cris]
Tous les enfants sans discrimination !
Cette cohésion est notre point fort, nous devons la généraliser. Nous devons tout mettre en œuvre pour assurer la survie de notre peuple. Trois éléments importants : tout d’abord, l’homme blanc nous a montés les uns contre les autres. L’amour du prochain a été supplanté par l’amour de la patrie. La patrie des Blancs. En tant que peuple, notre priorité n°1 est fondamentale. Nous devons cultiver un amour éternel de notre peuple. Notre peuple.
[applaudissements]
Notre peuple... notre peuple.
Nous devons cultiver cet amour comme celui que nous portons à notre frère Huey P. Newton. Un amour éternel de notre peuple.
[applaudissements]
Un amour éternel !
Sans cela, nous serons exterminés. Nous devons cultiver un amour éternel de notre peuple. Notre slogan deviendra : « D’abord notre peuple. « Et après, seulement après, toi et moi en tant qu’individus. » Notre peuple d’abord... notre peuple d'abord.
[applaudissements]
Passons au slogan suivant : « En chaque ‘Nègre’ sommeille un ‘homme noir’. Il n’y aura pas d’aliénation ! Il n’y aura pas d’aliénation !
[applaudissements]
Il n’y aura pas d’aliénation !
Il faut bien comprendre les concepts de « Nègre » et d’«homme noir ». Nous sommes arrivés dans ce pays en tant qu’hommes noirs et africains. Il nous aura fallu 400 ans pour devenir des Nègres.
[réactions du public]
J’entends par là que l’homme noir connaît sa culture, son histoire, et les racines de ses ancêtres, les plus grands guerriers que la planète ait connus : les Africains !
[applaudissements]
Les Africains ! Les Africains !
Beaucoup d’entre nous ont cédé au lavage de cerveau des Blancs. Si un Nègre vient vous voir et que vous lui tournez le dos, il ira cafter aux Blancs. Ça prendra du temps, mais ces brebis égarées reviendront, car elles font partie de notre communauté ! ... de notre communauté !
[applaudissements]
C'est tout... c'est tout !
Tous ces oncles Tom, nous allons les prendre entre quatre yeux. Et s’ils se rebellent, nous nous inclinerons. S’ils se rebellent, nous nous inclinerons. Et nous essaierons de les récupérer. Et s’ils refusent, ce sera la fin. C’est tout... c'est tout...
[applaudissements et cris]
c’est tout... C'est tout.
Nous devons déterminer qui est notre véritable ennemi. Car ce ne sont pas nos frères, la chair de notre chair et le sang de notre sang. Notre véritable ennemi, c’est le Blanc et son racisme institutionnalisé. Voilà qui est notre véritable ennemi !
[applaudissements]
Voilà notre ennemi !
Quand on se prépare à faire la révolution, il faut se concentrer sur son principal ennemi. On n’est pas assez forts pour s’entre-détruire et détruire l’ennemi. On ne s’entredéchirera pas aujourd’hui ! On ne s’entredéchirera pas ! La communauté noire ne connaîtra aucune lutte intestine. Il n’y aura ni querelles ni perturbations.
Nous devons être unis !
[applaudissements]
Troisièmement, et ce point est fondamental, il faut savoir que pour le peuple noir, la question de la communauté n’est pas une question géographique, c’est une question de couleur. C’est une question de couleur. Que vous viviez à Watts, Harlem, Chicago, Detroit, Philadelphie, en Géorgie, dans le Mississipi ou dans l’Alabama, votre vraie terre d’accueil, c’est votre peuple. Il faut casser cette idée selon laquelle les Noirs vivant aux Etats-Unis sont des Noirs-Américains. C’est n’importe quoi ! On a des frères en Afrique, à Cuba, au Brésil, en Amérique Latine. On a des frères dans le monde entier ! Dans le monde entier !
[applaudissements]
Dans le monde entier !
Et une fois compris le fait que le concept de communauté nous appartient, peu importe où nous vivons. Nous sommes ensemble, donc chez nous. Chez nous.
[applaudissements]
Cependant, pour survivre, il nous faut comprendre l'ennemi. Les Etats-Unis appliquent la stratégie des trois M : les Missionnaires, la Monnaie et les Marines. Ils agissent ainsi partout dans le monde. Ils agissent ainsi contre nous. Ils nous envoient des missionnaires. On les renvoie. Ils envoient leurs dollars. Vietnamiens et Coréens les renvoient. Ne restent plus que les Marines.
[réactions du public]
Les Marines… Si nous sommes sérieux, il faut nous préparer aux Marines.
[applaudissements]
Et si certains Noirs ne pensent pas que l'homme blanc va nous exterminer, ça ne coûte rien de se préparer, au cas où il se décide à le faire.
[applaudissements et voix]
Juste au cas où.
Ça ne coûte rien de se préparer à l'arrivée des Marines. Nous pouvons apprendre de nombreuses tactiques. Les Vietcongs montrent l'exemple. Et n'ayez pas peur de le dire. Dites-leur ! Vous voulez la victoire des Vietnamiens car les Blancs avaient tort dès le départ.
[applaudissements]
Ils avaient tort dès le départ. Dès le départ...
Ils ont tort, ils se trompent. N'entrez pas dans leur jeu. Vous les avez vus à la télé ? « Nous avons eu tort d'aller au Vietnam, « mais si nous partons, nous perdrons la face. » Et pour qu'ils gardent la face, tous ces Vietnamiens doivent mourir. C’est mal ! Si vous avez tort, dites-le et partez ! Partez ! Partez !
[applaudissements]
Partez ! Partez !
Examinons tous les programmes qu'ils nous imposent et analysons leurs conséquences. D’abord, le vote. Maintenant, ils disent que le Black Power est un vote. Dans ce pays, voter n’a jamais changé et ne changera jamais la vie des Noirs. C'est un fait. Nous survivrons dans le Mississippi, l'Alabama, la Géorgie, la Louisiane, le Texas, les deux Caroline, la Virginie et à Washington sans voter. Sans voter... sans voter.
[applaudissements]
Il y a deux ans, quand Julian Bond a été élu par les Noirs en Géorgie, ils l'ont mis dehors. Malgré cette absence de représentation, les Noirs de Géorgie survivent. Adam Clayton Powell s’est vu retirer son siège. Ça a duré un an et demi. Les Noirs d'Harlem ont survécu. Ça prouve bien que le vote n'est rien qu'un artifice des Blancs.
[applaudissements]
Rien de plus.
Voilà ce qu'il faut comprendre. Ensuite, ils veulent nous imposer leur programme contre la pauvreté. Il faut que vous compreniez ce que ça veut dire. Ce programme est avant tout destiné à diviser la communauté noire, puis en deuxième lieu, la famille noire. C’est certain, notre communauté est divisée. Nous savons tout de ces gens qui se disputent des miettes. Car c'est ça, leur programme : des miettes. Laissez les miettes et organisons-nous pour prendre toute la miche. Elle nous appartient.
Passons à l'éducation. Il nous faut d’abord définir le concept d’éducation.
[S.C. tousse]
Franz Fanon est très clair là-dessus : « L'éducation n'est rien d'autre que le renforcement « des valeurs et des institutions d'une société donnée. » Ça veut dire que si la société dit qu'une chose est juste, l'école vous l’apprendra et il faudra le retenir. Ainsi, vous aurez une bonne note. Si je vous dis que Christophe Colomb a découvert l'Amérique en 1492, et que vous me répondez que les Indiens y habitaient déjà, je vous ferai redoubler.
[cris]
L'éducation n'est pas ce qu'ils prétendent. Nous devons mettre l'éducation au service de notre peuple et nous devons comprendre nos communautés. Elles comptent des drogués, des macs, des prostituées, des délinquants, des profs, des femmes de ménage, des concierges, des prêtres, des gangsters. En allant au lycée, je veux apprendre à être une bonne femme de ménage, un bon concierge, un bon délinquant, un bon mac,
[applaudissements]
une bonne prostituée, un bon prêtre, un bon prof, ou un bon concierge.
L'éducation est censée vous préparer à vivre dans votre communauté. Notre communauté est ainsi. Or si le système éducatif ne peut pas nous y préparer, il doit nous apprendre comment changer notre communauté. Comment changer notre communauté... comment changer notre communauté.
[applaudissements]
C'est l'un ou l'autre. Les écoles où nous envoyons nos enfants ne font ni l'un ni l'autre. Tout simplement. Elles font même exactement le contraire. Et quand nos enfants, qui sont plus intelligents que ces sales Blancs, quittent cette école qui ne leur apporte rien, nous nous mettons en colère contre eux, ce qui divise encore notre communauté. Ça divise encore notre communauté.
[applaudissements]
Tant que nous ne contrôlerons pas le système éducatif pour qu'il nous apprenne à changer notre communauté, dans laquelle nous vivons comme des êtres humains, il sera inutile d’envoyer qui que ce soit à l'école. Nous n'avons pas d'autre choix que de nous battre, que ça nous plaise ou non.
[plusieurs coups sur le pied de micro]
Partout dans ce pays, les Noirs doivent se battre. Ils doivent se battre.
[applaudissements]
Ils doivent se battre.
[reniflements 2x]
Il est temps d’avancer et de parler organisation. Notre communauté se divise entre les masses populaires et les élites. C'est notre point faible. Ces élites représentent une part minuscule de notre communauté. Il faut qu'elles nous rejoignent. Et ce, pour plusieurs raisons. Elles ont des compétences qui doivent profiter à leur peuple, et non à ce pays qui est contre leur peuple. Il faut qu'elles nous rejoignent !
[applaudissements]
Il faut qu'elles nous rejoignent !
Pour cela nous devons user de patience, d'amour, de fraternité et d'unité. Pas de force... pas de force. Amour, patience, fraternité et unité. Nous devons essayer et essayer encore. Si elles deviennent une menace, nous les supprimerons.
[applaudissements]
Nous les supprimerons.
[reniflement]
Mais nous devons commencer à intégrer le concept de front uni à l’intérieur de notre communauté. Un front noir uni, qui englobe tous les secteurs, tous les aspects, et tous les individus de notre communauté, qui se mette au service des Noirs.
[applaudissements]
Au service des Noirs.
[reniflement]
C'est notre survie à tous qui est en jeu. Certaines de ces élites me disent ne pas apprécier quand Rap Brown menace de « brûler le pays ». Mais chaque fois qu’il profère cette menace, un nouveau programme d'aide voit le jour. Ils sortent un programme d'aide sociale.
[applaudissements]
Ils sortent un programme d'aide sociale.
Nous devons compter les uns sur les autres pour survivre. Nous devons nous soutenir, des révolutionnaires aux conservateurs. [sifflements dans la salle] Un front noir uni, voilà ce qu’il nous faut.
[applaudissements]
Voilà ce qu’il nous faut.
[reniflement]
Il est possible que certains ne comprennent pas frère Rap quand il parle d’alliances potentielles. Il propose de nous allier aux Mexicains, aux Portoricains, et tous les peuples aliénés. Il n'a pas parlé des Blancs pauvres. C'est un point qu'il faut comprendre. Je ne nie pas que ces gens soient opprimés. Mais il y a deux types d'oppression : l'exploitation et la colonisation. Il faut bien saisir la différence entre les deux.
[reniflement]
L'exploitation est le fait d'un homme de la même race. La colonisation est le fait d'un homme d'une autre race. Nous somme colonisés. Ils sont exploités…
[reniflement]
Exploités !
[SC. tousse]
Analysons comment fonctionnent l'exploitation et la colonisation. Moi qui suis Noir, si j'exploite des Noirs, dont je partage les valeurs, la culture, le langage, la société et les institutions, je n'ai pas besoin de détruire tout ce qui fait leur identité. Mais si j'exploite quelqu'un d'une autre couleur, qui a une autre culture, une autre langue et d'autres valeurs, j'ai besoin de tout détruire pour le soumettre. Voilà la différence entre les Noirs pauvres et les Blancs pauvres. Les Blancs pauvres ont leur culture, leurs valeurs et leurs institutions. Les nôtres ont été complètement détruites... complètement...
[applaudissements]
détruites... complètement détruites.
Mais quand on parle d'alliances, on réalise qu'on peut s'allier avec des gens qui tentent de reconstruire leur culture, de reconstruire leur histoire et leur dignité. Des gens qui se battent pour leur condition d’êtres humains. Les Blancs pauvres ne se battent pas pour leur condition humaine, mais pour gagner plus d'argent.
[réactions du public]
Ce pays compte énormément de Blancs pauvres. Vous n'en avez pas vu se rebeller, n'est-ce pas ? Pourquoi les Noirs se rebellent ? A cause de leurs boulots minables ? C'est ce que prétendent les Blancs. La vérité est tout autre. Les Noirs se rebellent pour leur culture, leur nature et pour défendre leur condition humaine. Leur condition humaine !
[applaudissements]
Leur condition humaine ! Leur condition humaine !
Il faut réaffirmer notre humanité et notre statut de peuple. Or le racisme de ce pays nous en empêche. Nous devons donc mettre en place une idéologie qui batte le racisme. En faisant cela, nous reconnaissons la nécessité de nous lier à 900 millions de Noirs à travers le monde.
[applaudissements]
Voilà ce que nous reconnaissons.
[SC. tousse]
Si nous reconnaissons cela, ça veut dire que notre mouvement politique doit devenir international. Il ne peut être national. Il ne peut être national.
[applaudissements]
Il doit être international. Il doit être international.
Il doit être international, car si on se rendait compte, on reconnaîtrait que les Blancs n’exploitent pas que nous. Ils exploitent tout le Tiers-Monde : l'Asie, l'Afrique, l'Amérique Latine. Ils profitent de l'Europe, mais ils ne la colonisent pas. Ils colonisent l'Asie, l'Afrique et l'Amérique Latine. Comprenez bien ça !
[applaudissements]
[rires du public]
Si on comprend ça, les problèmes des Etats-Unis deviennent évidents. D’abord, le conflit au Moyen-Orient. Il faut choisir notre camp ! On ne peut être que du côté des Arabes. Il n’y a aucun doute à avoir.
[applaudissements et cris]
Aucun doute ! Aucun doute !
On ne peut que défendre les Arabes car Israël leur appartenait en 1917. Les Anglais y ont envoyé des sionistes qui ont mis les Palestiniens dehors à coups de terrorisme, et organisé un Etat, mais qui n’ont rien obtenu jusqu’à l’arrivée d’Hitler et l’afflux de Juifs en 1948. Ce pays appartient aux Palestiniens. De plus, Israël attaque l’Egypte qui fait partie de notre mère-patrie : l’Afrique.
[applaudissements]
L'Afrique !
Nous ne comprenons pas ce concept d’amour. Un groupe de sionistes débarque et décide qu’il faut aimer Israël, pays créé en 1948, et que sa jeunesse est prête à défendre avec les armes. L’Egypte nous appartient. Depuis 4000 ans ! Et on encourage les Sionistes ! Il faut soutenir les Arabes, un point c’est tout ! Un point c'est tout !
[applaudissements]
[SC. tousse]
Entendons bien ce qu’implique de parler de survie. Parler de survie, ça veut dire : s’organiser politiquement et s’organiser consciemment. Ils appellent ça l’éducation. On appelle ça la conscience noire. Ça nous parle. Eux, ils ont l’éducation. Ça veut dire s’organiser économiquement et s’organiser militairement.
[applaudissements]
Militairement.
Si on ne le fait pas, si on ne prend pas les armes, ils ne prendront pas vnotre voix en compte. Si on prend les armes, ce sera eux ou nous.
[applaudissements]
Oubliez les questions de minorités ! Oubliez les questions de technologie ! Ce n’est pas la technologie qui décide d’une guerre. C’est la volonté [plusieurs coups sur le pied de micro] d’un peuple !
[applaudissements]
La volonté d’un peuple... la volonté d'un peuple.
Oubliez le fait que nous n’avons pas d’armes. Les Vietnamiens n’en avaient pas. Maintenant, ils ont tout : armes, chars d’assaut…
[plusieurs coups sur le pied de micro]
Ils ont tout pris aux Américains. Tout… tout !
[applaudissements]
Tout... tout.
S’ils s’en prennent à nous, ils auront des armes et on les dépouillera. On leur prendra leurs armes. Leurs armes.
[applaudissements]
Leurs armes.
Si l’on n’atteint pas ce niveau de conscience, si l’on ne porte pas un amour éternel à notre peuple, si nous ne sommes pas prêts à verser notre sang, comme Huey Newton l’a fait, nous ne survivrons pas… Nous ne survivrons pas.
[applaudissements]
Ce n’est pas une question de droite ou de gauche, c’est une question de couleur. Vous chérissez vos racines ? Nos racines sont noires. On est des Noirs, voilà ce qu’on est.
[applaudissements]
Il faut organiser la résistance que nos ancêtres ont préparé pour nous. Tant qu’on n’aura pas conscience de former un peuple, on échouera. Ils nous manipuleront et nous diviseront. Il est nécessaire d’organiser consciemment notre peuple. Organisons notre peuple ! Organisons notre peuple ! Organisons notre peuple !
[applaudissements]
Organisons notre peuple ! C’est le plus important.
Organisons notre peuple ! Notre peuple !
Nous n’avons pas de temps à leur consacrer. Notre sueur, notre sang, nos vies doivent être consacrées à notre peuple. Rien d’autre.
[applaudissements]
Rien d’autre.
[SC. renifle 2X]
Nous devons intégrer ça de manière consciente. La jeunesse doit s’organiser pour préparer la révolution. Une guerre dont le but sera de nous libérer. Et pour ce faire, il nous faut une idéologie nationaliste. Ce pays n’est pas à nous. Il nous faut un nationalisme noir. Ce serait idiot de penser autrement. Le nationalisme noir doit devenir notre idéologie. Mais être noir ne suffit pas, il faut aller plus loin. Il faut organiser nos communautés et savoir pourquoi on le fait. Nous manquons d’argent pour nourrir notre peuple. Inutile d’espérer travailler, nous n’aurons rien. Ils contrôlent tout, c’est un fait. Ça ne sert à rien d’attendre, il faut se battre. Notre peuple n’aura jamais accès à l’emploi. Il faut se battre et non rester passifs et accepter la loi des Blancs. Ils ne sont pas Dieu. Notre race est magnifique, nous sommes capables de tout. Pour cela, il lui suffit de se lever. Relevons-nous.
[applaudissements et cris]
Relevons-nous. Relevons-nous et agissons. Relevons-nous et agissons. Relevons-nous et agissons. Relevons-nous et agissons.
Passons aux questions concrètes concernant la rébellion. Les Blancs se préparent à mater nos rébellions dans tout le pays. Qu’arrivera-t-il si l’un de nous vient à perdre la vie ? Qu’arrivera-t-il s’ils suppriment Huey Newton ? Nous devons nous organiser pour faire le maximum de dégâts… le maximum de dégâts chez eux avec le minimum de pertes chez nous.
[applaudissements]
Le moment venu, notre communauté devra être organisée. Si Huey Newton est supprimé, si 10 flics blancs sont supprimés, il faudra se faire les plus discrets possible. Car celui qui s’exprimera sera supprimé aussi... il sera supprimé aussi.
[applaudissements et cris]
Il sera supprimé aussi... il sera supprimé aussi... il sera supprimé aussi.
[SC. tousse]
Pour faire le maximum de dégâts avec le moins de pertes possible, nous devons préparer les membres de nos communautés à la discrétion : on ne voit rien, on n’entend rien, on n’est au courant de rien. On ne voit rien, on n’entend rien, on n’est au courant de rien.
[applaudissements]
On ne voit rien, on n’entend rien, on n’est au courant de rien.
La question des agents engendre celle de la paranoïa. Évitons la paranoïa. Quand on a peur, on ne bouge pas. Pour éviter ça, mettons en place des stratégies. Les petits groupes vont s’organiser, les grands vont s’organiser. Tout agent démasqué est prévenu. Il sera supprimé de telle manière que ça coupe l’envie à tout Noir d’aller dire aux Blancs ce qui se passe chez nous.
[applaudissements]
Dans notre communauté.
Notre peuple a démontré une volonté de se battre. Il a démontré qu’il avait le courage de nos ancêtres pour affronter les tanks, les armes et les chiens policiers avec des briques et des bouteilles. C’est un acte courageux. Nous devons en avoir conscience !
[applaudissements]
Et puisque notre peuple a la volonté de se battre, trouvons comment nous organiser pour finir vainqueurs…
[applaudissements]
Pour qu’on finisse vainqueurs.
Si une rébellion majeure survenait, notre peuple pourrait finir battu. Mais si un petit groupe fait un maximum de dégâts, on aura réussi. On aura réussi.
[applaudissements]
Il faut comprendre cela, de manière consciente. La question n’est pas de savoir ce qu’ils pourraient nous faire, mais de savoir comment et quand ils vont le faire. Car c’est ce qu’ils ont en tête.
Pour nous, la question n’est plus d’aller au Vietnam, mais comment empêcher nos frères restés au pays de finir en prison. C’est la seule question qui importe. Si l’un de nos frères se rebelle, il trouvera assez de soutien dans la communauté pour faire un maximum de dégâts.
[applaudissements]
Un maximum de dégâts.
On parle de survie. On parle d’un peuple dont la culture, l’histoire et le mode de vie ont été réduits à néant. Un peuple qui a produit une génération de guerriers qui lui rendra son humanité et son amour solidaire.
[applaudissements]
Voilà notre priorité aujourd’hui. Voilà notre priorité !
Il s’agit de devenir les bourreaux de nos bourreaux. Donnez votre argent à la Justice. Une partie de l’argent sert à alimenter leurs tribunaux, le reste revient aux bourreaux. Et s’ils exécutent Huey, l’exécution finale nous reviendra.
[applaudissements et cris]
Elle nous reviendra... elle nous reviendra.
Leur peuple contrôle tout dans ce pays : ils nous envoient nous battre, nous forcent à voler, nous jugent, nous enferment, nous mettent en conditionnelle, reviennent nous chercher. Où est donc passée notre dignité dans ce pays ? Où est-elle ?
[applaudissements]
Où est-elle ? Où est-elle ? Où est-elle ?
Nous ne contrôlons rien, si ce n’est l’Eglise, dont l’idéologie soutient le système qui nous oppresse. Dans quel domaine exerce-t-on une quelconque autorité alors que nos ancêtres formaient le peuple le plus fier de la terre ? Dans quel domaine ?
[applaudissements]
Dans quel domaine ?
Dans quel domaine, je vous le demande. Partout où il va, le Blanc nous opprime. En Afrique du Sud, il vole notre or. Aux Antilles, il vole nos matières premières. En Amérique du Sud, il nous a disséminés et nous spolie. Aux Etats-Unis, il nous spolie. En Nouvelle-Ecosse, il nous spolie. Arriverons-nous un jour à posséder un endroit sur terre où nous pourrons retrouver notre humanité ?
[coup sur le pied de micro]
Nous y parviendrons si cette génération se bat pour ça. Elle doit se battre pour l’obtenir... se battre pour l'obtenir !...
[applaudissements]
Elle doit se battre !
Y parviendrons-nous ?
Si cette génération engage le combat, tout élément perturbateur sera proscrit. Nous n’en tolèrerons pas. Nous n’en tolèrerons pas. Il n’y aura pas de perturbations. Nous risquerons nos vies pour ceux qui se battent pour nous.
[applaudissements et cris]
Huey Newton s’est battu pour nous. Qu’il soit libéré ne dépend que du peuple noir. De personne d’autre, personne. On nous aidera peut-être, mais le destin de notre frère Huey ne dépend que de nous ! Il ne se bat pas pour les autres, il se bat pour nous !
[applaudissements]
[coup sur le pied de micro]
Pour nous !
Il se bat pour nous, il faut lui rendre la pareille. Pas seulement pour lui, mais pour la génération suivante. La génération suivante.
[applaudissements]
Nous devons choisir consciemment d'organiser chaque élément de notre communauté. Ce chantier doit commencer. Ça implique de financer un organisateur dont ce sera [coup sur le pied de micro] la seule activité. Il ne peut pas profiter des aides sociales, ce serait accepter leurs lois. Si ce sont des Noirs qui le paient, il sera libre d'agir pour notre bien. Le bien des Noirs.
[applaudissements]
Les gens doivent donner volontairement de l’argent pour leur peuple. Nous devons expulser les exploiteurs de nos communautés à tout prix.
[applaudissements]
À tout prix.
Si on est blanc, pourquoi être flic dans un ghetto noir ? En sachant ce qu’on risque. Il faut être fou, avec un complexe de supériorité. Pourquoi accepter un boulot à 5000 dollars par an quand on est blanc et qu’on peut s’en sortir ? Pourquoi faire ça à moins d’être malade ? Vous iriez dans les communautés risquer de vous faire descendre pour 4, 5 ou 6000 dollars par an ? Il faut comprendre ce que font ces Blancs chez nous. Ils viennent pour patrouiller et nous contrôler. A nous de patrouiller. A nous de contrôler. Nous somme en train de construire notre peuple. On se fiche [coup sur le pied de micro] des Blancs. Mais s'ils gênent la construction de notre peuple, éliminons-les ! Sans aucune hésitation.
[applaudissements]
Sans aucune hésitation ! Sans aucune hésitation !
On se fiche de leur mode de vie. Seul notre peuple nous intéresse. Nous voulons la dignité et l’humanité pour notre peuple. S'ils gênent, ils seront supprimés. Ils seront supprimés.
[applaudissements]
Leur système ne nous intéresse pas. Qu'ils le gardent. Nous voulons notre mode de vie et nous l'aurons. Nous l'aurons, ou il n'y aura pas de paix en ce monde.
[coup sur le pied de micro]
[applaudissements]
Pas de paix en ce monde.
Avant de me rasseoir, je voudrais dire deux choses. J’aimerais lire une déclaration de Huey P. Newton. Il l’a écrite hier quand je l'ai vu en prison. Ecoutez bien ce qu’il dit : « Quand la police raciste joue l'escalade de la violence « contre les Noirs dans les communautés, « nous nous réservons le droit à l'auto-défense « et à une vengeance maximum. »
[applaudissements et cris]
Ce dont nous avons parlé ce soir tourne autour de Huey P. Newton. Ça illustre ce qu'il essayait de faire. Il nous faut comprendre une chose. Inutile d'aller en prison pour nos paroles. C'est ce qu'ils ont fait à Malcolm X. Ils l'ont supprimé pour son discours. Nous devons avancer en tant que race. Notre frère Huey a peut-être tué ce sale Blanc, mais au moins, on progresse. On ne se fait plus tuer pour nos paroles mais pour nos actes. Comprenez cette idée !
[applaudissements]
Comprenez cette idée ! Quand ils ont tué Malcolm X, on n'a pas réagi ! S’ils tuent notre frère Huey, nous devrons nous venger !
[applaudissements]
Nous devrons nous venger ! Nous devrons nous venger !
Nous devrons nous venger ! Nous devrons nous venger !
Croyez-vous que les autres races laisseraient leurs membres se faire descendre sans réagir ? Dieu m'est témoin, ça n'existe pas. En 5 ans, nous avons perdu certains de nos plus grands leaders : Lumumba, Malcolm X. Ils ont tué Kwame Nkrumah et nous ne faisons rien ! Nous ne faisons rien ! Nous ne faisons rien !
[applaudissements]
Pendant qu'ils tuent nos leaders, ils envoient notre jeunesse au Vietnam et en Corée. Nous disparaissons peu à peu. Nous devons nous venger.^ Nous devons nous battre pour notre humanité. C'est notre humanité qui est en jeu. Nous survivrons, car nous avons enduré plus qu'ils n'auraient pu. C'est un fait incontestable. Nous avons survécu. A l'esclavage, à leur Reconstruction, à la Première Guerre mondiale, à la grande Dépression, à la Deuxième Guerre mondiale, quand ils nous ont virés de nos boulots dans le Nord, à la guerre de Corée. Nous survivrons. Nous survivrons. Je n'en doute pas un instant.
[applaudissements]
Je n'ai aucun doute. Aucun doute.
Nous survivrons. Nous devons développer l’amour de notre peuple. Un amour éternel de notre peuple. Nous devons être prêts à offrir nos compétences, notre sueur, notre sang, et même notre vie à notre peuple. Et rien d'autre. Pas à ce pays. Notre peuple ! Notre peuple !
[applaudissements]
Développons l'idée que chaque Nègre peut devenir un homme noir. Ne nous aliénons pas nos alliés potentiels. Unissons-nous !
[applaudissements]
Unissons-nous !
Comprenons que la communauté n'est pas une question de géographie. Il s'agit de nous, les Noirs, où que nous soyons. Nous devons être conscients de faire partie des 900 millions de Noirs éparpillés dans le monde. Les Blancs nous ont séparés. Nous sommes le sang de notre sang et la chair de notre chair. Nous ignorons qui sont nos sœurs, nos frères ou d'où nous venons. Ils nous ont pris en Afrique et mis un océan entre nous. Mais ils ont oublié que le sang est plus épais que l'eau. Nous nous rassemblons.
[applaudissements et cris]
Nous nous rassemblons ! Le sang est plus épais que l'eau. Le sang est plus épais que l'eau.
Nous sommes un peuple africain avec une idéologie africaine. Nous errons aux États-Unis. Nous construirons notre peuple ici, ou ce pays tombera. Ou ce pays tombera.
[applaudissements et cris]
Ou ce pays tombera.
Pour conclure, mes frères et mes sœurs, sachez que Huey P. Newton est des nôtres. Il est la chair de notre chair, le sang de notre sang. C’est le fils de Mme Newton, mais c’est aussi notre frère.
[applaudissements]
C’est notre frère.
[reniflement]
Inutile de parler de ce que nous allons faire si nous nous préparons et soutenons ceux qui se préparent. Nous disons seulement : « Libérez notre frère Huey, ou sinon. »
[applaudissements et acclamations]