D'où l'on vient

Parlons d'intégration, d' "intégration des immigrés"

Pour s’intégrer, il faut premièrement être de quelque part, venir de quelque part, deuxièmement rejoindre une autre espace géographique et humain et troisièmement, en le rejoignant, le transformer tout en étant transformé par lui.

Et l'intégration n'est pas l'opération du hasard. Il faut garder cette évidence en tête pour ne pas oublier les 4 vérités de l'intégration.

  1. L'intégration a une cause. Le déplacement et les transformations que l'intégration engage ont une histoire et une situation raisonnables. Cela est le résultat de quelque chose qui a précédé et non pas de rien.
  2. ceux qui s'intègrent ont une origine, une provenance, ne viennent pas de nulle part, ne sont pas rien, n'était pas rien, existaient pleinement avant d'être intégrés.
  3. Le lieu et l'identité d'intégration ont eux aussi une histoire et cette histoire contient également des éléments propres à expliquer et justifier l'intégration.
  4. Ceux qui accueillent et doivent intégrer les nouveaux à leur cercle ont eux-mêmes une origine, une provenance, n'ont pas toujours été là. Car quel que soit l'endroit que l'on habite sur la planète, il fut un temps où cet endroit était vide, où il n'y avait personne.

Qu’est-ce qu'une politique d’intégration qui ne donne pas les moyens de comprendre cela, qui ne le reconnaît pas, qui ne l'enseigne pas ? Que peut-on attendre d'elle ? Pourra-t-elle jamais fonctionner correctement ? Jamais. Jamais elle ne fonctionnera correctement.

Arrivants ou nationaux, nouveaux venus ou déjà là, nous devons tous étudier les 4 points. Nous devons tous savoir d'où nous venons et pourquoi sommes-nous là où nous sommes, pourquoi nous nous y retrouvons ensemble. Nous devons connaître l'histoire des peuples, des empires, l'histoire de l'esclavage, des colonies, l'histoire du développement industriel et des migrations.

En France, nous devons nous mettre tous ensemble pour établir enfin une description fidèle du pays – "fidèle" veut dire une description de ce qu’il est vraiment, de ce qui le compose, de ce qui le fait vivre et de son histoire.

Nous devons commencer par nous souvenir ensemble que la France, ce sont des cohortes infinies de migrants qui l’ont bâti : des Celtes, des Ligures, de Romains, des Burgondes, des Vikings, des Visigoths, des Arabes, des Anglais, des Espagnols, des Portugais, des Italiens, des Maghrébins, des Africains de toutes origines, des Chinois, des Indiens, des Allemands, des Polonais, des Grecs, des Serbes, des Croates, des Autrichiens…

Nous ferons l'effort de nous souvenir de cette histoire. De cette histoire que personne n’enseigne. Elle est la seule véritable Histoire de France et elle n'est apprise nulle part, dans aucune école du pays. Voilà notamment ce qui manque à l'intégration ici et maintenant : une reconnaissance de son histoire réelle par le pays lui-même.

Nous ne pouvons pas rester plus longtemps dans l'oubli ou l’ignorance de notre histoire nationale, qui est une histoire de migrants, l’histoire de la formation d'un pays de migrants tel qu’il se fabrique encore aujourd’hui et depuis l’antiquité.

Apprenons enfin tous ensemble cette histoire vraie et ne l'oublions plus. N'oublions plus que l’immigration, depuis toujours est la première réalité de cet endroit du monde.

Et Nous devons particulièrement nous préoccuper des enfants et des jeunes gens qui sont nés ici de parents immigrés et qui, pour beaucoup n’ont jamais vu le pays de leurs origines familiales, qui ne savent pas à quoi il ressemble. Du départ de leurs parents et de leur arrivée ici, ils ne connaissent que des morceaux d'histoire privée évoqués en souvenir et entendus autour des repas. Ils ne connaissent pas les raisons générales, ils ne connaissent pas le contexte historique de cette migration. Pourquoi ? parce que leur école ne leur enseigne pas. Même chose pour la langue d’origine : aucun enseignement structuré !

L'idée qui leur est donnée de se faire de leur propre présence au monde n'est composée que de bribes et de fragments qui ne suffiront pas à constituer un ensemble identitaire stable et à lui donner un sens puissant.

Et de cette manière, les enfants et petits enfants d'immigrés se retrouvent sans protection devant le racisme, sans aucune construction solide à opposer au rejet, à la haine et au mépris quotidiennement rencontrés dès la petite enfance. Alors ils en viennent eux-mêmes à se considérer comme des cas incompréhensibles et, pour certains, à se sentir plus proches du pays des origines familiales que du pays où ils sont nés, où souvent leurs parents sont nés, où ils vivent et qui est le leur. Et cela même s'ils ne connaissent pas ou très mal le pays d'origine.

Ces enfants, ces jeunes gens doivent savoir ce que leurs parents ont fait pour le pays où ils vivent. Et ils doivent pouvoir mettre cela en comparaison avec ce que la France a fait, presque à la même époque, dans les pays qu'elle avait colonisés et dont souvent ils sont issus. Les immigrés du Sud ont construit la France. Ils l'ont construite du temps que la France quittait à peine leurs pays qu'elle avait occupés, qu'elle avait envahis et dont elle avait pris le risque de détruire l'âme et l'esprit.

Et c'est l'école française qui devrait le raconter à tous les enfants, c'est l'école française qui devraient leur dire que tout cela a eu lieu et est vrai.

La place des enfants d'immigrés ici n'a été donnée par personne : ce sont LEURS parents qui l'on faite. L'essentiel des cités autour des villes en France, des HLM, des pavillons, les écoles, les centres sociaux, les Maisons de la culture des nouvelles villes, ont été bâtis par leur parents, par leurs pères qui sont venus pour ça et pour des salaires n'excédant pas la moitié du salaire d'un travailleur français.

Toutes les tranchées pour l’eau, pour le gaz, les tranchées pour l’électricité, pour les égouts, l’empierrage des routes et des rues, les remblais pour les autoroutes, tout ce qui a nécessité des bras et de la fatigue pour moitié prix, a été bâti par leurs pères avec le soutien de leurs mères.

Quand on roule sur une route, on roule sur le travail de leurs pères, quand on habite un appartement dans une cité ou un pavillon, on habite le travail de leurs pères. Des centaines de millions de tonnes de béton et de mortier coulées en cinquante ans…! leurs pères les ont coulées ! Leurs pères les ont étalés, ils les ont portées avec des seaux, traînées d’un endroit à l’autre et bien souvent remuées avec seulement une pelle dans leurs bras.

Pourquoi les écoles n'enseigneraient pas la langue et l'histoire de ceux qui les ont construites ? Pourquoi elles ne diraient pas que ce pays est né de l'effort de gens exactement comme ceux-là et s'est prolongée dans le leur ?

Les écoles ne veulent pas le faire ? Très bien, alors prenons les écoles et faisons-le. Mais Prenons-les sans perturber personne : le soir, les week-end, durant les vacances scolaires. Laissons la scolarité régulière suivre son cours et ajoutons lui seulement des cours de langue, des cours d'histoire. Racontons la construction de la France à son origine et aussi comment la France où nous vivons aujourd'hui s'est décidée et construite entre les années 50 et 70. Donnons aux enfants ce qu'ils ont besoin de savoir pour se sentir fiers et se sentir bien.

Donnons cela aux enfants, mais pas seulement aux enfants, faisons-le aussi pour nous-mêmes. Nous avons encore tous beaucoup à apprendre là-dessus.

Asseyons-nous côte à côte avec les enfants et étudions ensemble ce qui nous concernent tous et nous permettra de vivre mieux ensemble.

Ne doutons pas de trouver à travers le monde tous les professeurs bénévoles qu'il faudra pour un enseignement le plus haut de l’histoire véritable des civilisations, de la formation des pays, des nations.

Surtout nous aiderons à comprendre et connaître le colonialisme et la décolonisation, l'histoire des grands leaders nationalistes, indépendantistes, révolutionnaires. Nous donnerons à lire leurs écrits et à connaître leur pensée.

Car la paix sociale et la paix mondiale passeront par l'exposition sans fard du système colonial et de ses conséquences, par l'exposition sans fard de la mise en échec de la décolonisation et de ses conséquences.

Merci